Alpinisme – Aiguilles Marbrées – Arete Kuffner – Roi de Siam

3 jours d’alpinisme entre la France et l’Italie.

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Après deux séjours d’alpinisme marqués par les ascensions de la face nord de l‘Aiguille du Midi et de la très mythique Aiguille Verte, me voici de retour en haute montagne pour conclure cette saison d’alpinisme avec l’ascension de la non moins mythique et grandiose arête Kuffner (D)

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JOUR 1

TRAVERSÉE DES AIGUILLES MARBRÉES

Cotation : PD II

Durée : 1/2 journée depuis le refuge Torino

Altitude maximum : 3535 mètres

Dénivelé : +200 mètres

Après une nuit en pointillés passée dans un bus pour atteindre Genève, je rejoins Benoit mon guide et nous filons en direction de l’Italie. Le temps de boucler les sacs sur le bitume brûlant du parking du Skyway d’Hellbronner et nous voici dans la benne en début d’après midi. Nous nous annonçons au refuge Torino et laissons une bonne partie de notre matériel pour partir légers et effectuer la traversée Nord – Sud des Aiguilles Marbrées. Une course facile qui sera l’occasion de s’acclimater et de peaufiner la coordination de la cordée.

C’est sous un soleil ardent que nous effectuons la marche d’approche qui nous mène en une quarantaine de minutes à l’attaque de la course. A cette heure un peu tardive, nous ne croisons qu’une cordée, un luxe pour cette course qui est habituellement très fréquentée. 

Nous avançons à un bon rythme sur cet itinéraire facile tout en gardant à l’esprit qu’il nous faut nous économiser pour la journée de demain qui s’annonce très intense. Il nous faudra deux heures pour parcourir l’intégralité de la traversée et rejoindre le glacier du Géant. Derrière nous se dresse la majestueuse Dent du Géant, que nous avons gravi l’année dernière.  Une petite marche sur la neige fondante du glacier nous ramène tranquillement au refuge Torino où nous nous empressons de manger et de grappiller quelques minutes de sommeil.  

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JOUR 2

ARÊTE KUFFNER

Cotation : D IV

Durée : 1 journée depuis le refuge Torino

Altitude maximum : 4465 mètres

Dénivelé : +1706 mètres

Le réveil vient nous tirer du lit un peu avant minuit. Nous avalons rapidement notre petit déjeuner dans la salle à manger du refuge qui semble bien déserte par rapport à l’agitation du dîner de ce soir. Seule une autre cordée s’embarquant dans la traversée des Grandes Jorasses nous tient compagnie. Nous ne serons pas nombreux à priori à nous aventurer sur l’arête Kuffner aujourd’hui.

Dès les premiers pas sur le glacier, nous constatons que le regel nocturne est quasi inexistant en raison de la canicule qui touche la France cette semaine. Il est 00h45 et il fait déjà bon à plus de 3000 mètres ce qui laisse présager de conditions plus difficiles que prévues tout au long de la course. 

Après deux heures de marche à la lumière de nos frontales, nous entamons l’ascension du couloir menant à l’arête. La neige enfonce beaucoup (jusqu’au bassin parfois) et le passage de la rimaye s’avère compliqué. Je ne suis pas mécontent d’être assuré au moment où ma jambe passe au travers d’un pont de neige. La rimaye finalement franchie, nous remontons le couloir au rythme de la trace que Benoit creuse péniblement. Nous enchaînons ensuite les passages mixtes d’escalade et de désescalade pour atteindre les longues arêtes neigeuses et effilées. L’arête dévoile toute sa splendeur, baignée par les premiers rayons du soleil (5h30) qui percent au sommet des Aiguilles du Diable. La chaleur n’arrangeant rien, la neige molle et fuyante rend la progression plus lente et certains passages plus exposés. Nous redoublons donc de prudence pour progresser efficacement sans commettre d’erreur. Le contournement de l’Androsace (7h00) dans une neige où les ancrages portent mal et où les corniches sont piégeuses nous demande un ultime effort de concentration.  

Nous ne sommes pas mécontents de retrouver les passages en rochers qui jalonnent la suite de la course et où l’on peut plus facilement protéger la progression. Une cordée qui aura pu bénéficier de nos traces, nous double peu avant l’antécime du Mont Maudit qui marque le point culminant de cette course. C’est donc avec plaisir que nous suivons leur trace dans une neige qui porte assez bien en raison de l’altitude. Il est 9h00 quand nous arrivons au sommet de l’arête. Le soleil frappe déjà fort et le retour s’annonce caniculaire. Nous évacuons rapidement l’éventualité de tenter l’enchaînement avec l’ascension du Mont Blanc, les difficultés rencontrées pendant la course ont déjà bien entamé notre physique (et notre mental).

Nous rejoignons l’itinéraire des Trois Monts et entamons notre descente, croisant au passage les alpinistes en route pour le toit de l’Europe. Une petite pause à l’épaule du Mont Blanc du Tacul (10h) nous permet d’apprécier les fabuleux paysages qui s’offrent à nous et que nous n’avons pu pleinement admirer pendant l’ascension. Vient ensuite une longue randonnée glaciaire (tout ce que j’aime) pour rejoindre le glacier du Géant puis le refuge Torino que nous atteignons à 13h, non sans une pointe de fierté après avoir bouclé cette course longue, exigeante mais au combien mythique. 

  

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JOUR 3

ROI DE SIAM (LIFTING DU ROI)

Cotation : D+ 5c>5c II P2

Durée : 1 journée depuis le refuge Torino

Altitude maximum : 3600 mètres

Dénivelé : +200 mètres

Encore fatigué de la veille, malgré une bonne sieste réparatrice et une « longue » nuit, je décide de reporter l’ascension du Grand Capucin au profit d’une journée d’escalade plaisir au Roi de Siam.

A la lumière de l’aube, nous menons bon train pour rejoindre le pied de la voie « Lifting du roi ». Une voie aux cotations allant de 4 à 5c max mais qui se révélera aussi physique que soutenue. 

La neige n’ayant pas encore totalement fondu pour nous permettre de démarrer au pied de ce pilier de granit, nous rejoignons l’itinéraire au milieu de la première longueur. Le rythme s’intensifie ensuite avec une seconde longueur en 5c qui ne manque pas de réveiller nos muscles encore endoloris de la veille. Au fil des longueurs suivantes, le niveau s’adoucit sans faire retomber le rythme pour autant. Des passages difficiles à protéger, athlétiques ou physiques viennent fréquemment ponctuer l’itinéraire. Nous passons le premier crux de la voie : le laminoir où la finesse est de rigueur au sens propre comme au figuré puis nous poursuivons sur de belles fissures jusqu’au crux de fin : un beau toit fracturé en son milieu. Cette dernière difficulté derrière nous, nous voici au sommet sur un relais au confort rudimentaire, près pour un enchaînement de rappels. A coté, se dressent les silhouettes élancées de la Pointe Adolphe Rey et du Grand Capucin. 

Un coincement de corde malheureux viendra ralentir notre descente mais c’est sans autres difficultés que nous reviendrons au refuge Torino pour ensuite regagner la vallée par le téléphérique.

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Textes et photos (c) Benoit Malot